INTRODUCTION À PARADIGME
ALBERT AYME - MICHEL GIROUD
Première édition, épuisée
122 pages, format 28x25 cm
86 illustrations noir & blanc
8 en couleur, sérigraphies
2 Gravures sur papier chiffon
Deuxième édition, épuisée
84 pages, format 22x25 cm
35 illustrations noir & blanc
5 en couleur, sérigraphies
1 Gravure sur papier chiffon
En hommage à Paul Klee et Robert Delaunay.
Chaque œuvre s'ouvre son espace mental ou spirituel propre, qui n'est autre que la conception même de sa création, la démarche créatrice dont l'œuvre est l'émanation… Bref, c'est sa vertu d'enfanter l'esprit…
Si l'on considère l'univers plastique comme une totalité à découvrir et à épeler (mémoire plastique universelle à interroger), l'opération additive (de la structure individuelle à l'ensemble complexe : l'Aquarelle Monochromatique) et l'opération soustractive (de la totalité vers l'élément isolé : le Relief Soustractif) sont des manifestations de même nature -mais de signe contraire- qui concourent à leur terme, et par des trajets inverses, à la jonction de leur point de départ respectif : voyage entre deux néants.
Une primauté attribuée aux méthodes sur les fins, la conviction que les méthodes sont inclusives des œuvres… Démarche et dessein délibéré de remonter jusqu'à l'origine de l'événement plastique ; d'orienter sa genèse en ce point amont le plus proche possible de sa source, où à la limite s'évanouirait l'intervention de l'artiste… C'est donc la conquête d'un lieu topique… Action exercée particulièrement dans l'ordre des valeurs qualitatives pour une libération des sources potentielles jaillissant d'un inconnu de l'œuvre -occulté par les méthodes analytiques traditionnelles (accumulation des valeurs quantitatives progressant du connu au connu, irrémédiablement).
Ces options de base et les moyens mis en œuvre pour les valider introduisent une nouvelle conception de l'espace de l'œuvre qui transforme le mode d'existence même de celle-ci. Ce qui, sous ce nom d'œuvre, sert toujours à désigner un état plastique individualisé ne couvrirait plus désormais qu'un seul des termes d'une série illimitée…
Chaque terme suspendu, transitoire, de cette série oscille comme une note vibrant entre ce qu'elle cesse d'être (le terme précédent) et ce qu'elle va devenir (le terme suivant)… Œuvre à la fois une et multiple, c'est-à-dire diversifiée à l'infini dans sa forme - mais soumise, en quelque point que ce soit de son parcours, à l'unité organique de sa conception… elle s'engendre par ses propres forces internes… œuvre s'émancipant pour accéder à l'objectivité… C'est l'orchestration d'une liberté prise à partir de la variété illimitée de l'unité…
C'est l'une de ces séries, formée comme d'une unique note faisant retentir indéfiniment ses propres harmoniques, que je me propose d'entreprendre sous le nom de PARADIGME et qui constituerait -non certes encore une œuvre (puisqu'une telle œuvre, théoriquement, est illimitée)- mais le tracé, l'itinéraire, l'archétype possible d'une œuvre cinématique….
Les "Monochromes Blancs" figurant dans les pages suivantes représentent quelques termes possibles de "Paradigme"… Les œuvres qui naissent sont exclusivement inspirées par le carré et le rond… L'alphabet géométrique s'offre par cet anonymat même, comme le matériau plastique exemplaire pour l'accomplissement d'un tel "dessein".
A.A. 1966-67
LA RÉÉDITION DE 1979 ÉTAIT AUGMENTÉE D'UNE POSTFACE DE MICHEL GIROUD
L'ENGENDREMENT DE LA FORMULE EST LA FORMULATION DE L'ENGENDREMENT.
Albert Ayme depuis 1962 a mis en place une machinerie lyrique du dérèglement systématique des catégories esthétiques brisant le clivage rationnel / irrationnel, construction / impulsion, fragment / totalité, individu / anonymat, producteur / lecteur, temps / espace… Il découvre des relations inédites jusqu'à la saturation comme s'il déployait toutes les combinaisons d'un théorème… Progressivement s'élabore une grammaire du raisonnement imaginatif, une grammaire générative, une grammaire de l'engendrement des formes. Discours de la méthode picturale en action processuelle : pratique structurale d'une théorie qui se dévoile au cours du travail…Albert Ayme, isolé, mais vivant, se distingue radicalement des manipulations mécanistes… il explore cette impulsion, ce noyau producteur énigmatique, l'articulation de l'instant, la partition de la trouvaille et jusqu'à l'élaboration de la méthode comme trouvaille suprême, la règle engendrant des séries de trouvailles, comme dans le travail du sonnet de Mallarmé ou le pantoum de Baudelaire, trouver le système harmonique qui engendre sans cesse l'innovation. Cette sensation d'un mouvement structural vibratoire… s'entrecroise, là, le phénomène sonore et visuel… Saisir l'univers des Paradigmes c'est saisir l'insondable espace-temps dans lequel nous baignons… Manifestations de plus en plus complexes… ce foisonnement qu'avait fait apparaître Pollock et Tobey, Ayme le systématise avec les Paradigmes... La méthode qui soit l'inspiration même, la méthode respiratrice, pour ne jamais sombrer dans la mécanique formelle… Albert Ayme dévoile dans le processus l'acte même de peindre, pédagogie picturale sans précédent dans sa clarté matérielle - comme Francis Ponge dans son Malherbe ou sa Fabrique du Pré montre sa démarche et brise l'illusion que dénonçait Nietzsche du statut métaphysique de l'artiste, privilégié, medium. Tout est question de méthode de découverte… Le produit ne dit rien d'autre que la démarche de son fonctionnement. Activité de dévoilement proprement philosophique/ politique…
M.G. 1978 - Critique d'art