N+1 VARIATIONS SUR UNE EMPREINTE DE VIALLAT - 1987

Extraits du texte d'Albert AYME :

Dans ce travail mon propos consiste à insérer l'empreinte notoire d'un artiste contemporain dans un système spatio-temporel mobile et transformateur où parmi les variations complexes de plusieurs paramètres, le temps intervient comme un opérateur prééminent. Confrontation par conséquent de cette empreinte à des méthodes picturales mises à l'épreuve dans mon propre travail…

Accepter le principe d'une primauté accordée à des opérations ayant pour origine une donnée de base commune qui s'efforceraient d'atteindre à la variété des solutions individuelles… C'est la solution musicale souvent adoptée dans "Les variations sur un thème de…". On mesure tout l'intérêt que le milieu pictural pourrait retirer d'une pareille émulation…

Ce travail substitue le principe d'une solution paradigmatique ouverte, in-terminable, construction combinatoire, susceptible de renouveler la formulation du problème posé. Ici, malgré une extrême concentration des données de base réduites à l'unité, le champ de l'investigation est potentiellement illimité grâce au traitement d'un ensemble de signifiants picturaux selon un fonctionnement réglé d'opérations additives et soustractives simultanément… L'empreinte est imposée sous l'effet d'une frappe franche et directe de la couleur au pochoir pour éliminer tous les tripotages de la facture (technique antérieurement appliquée dès 1962 dans mes Draps Muraux -toile libre- et en 1963 dans mes Seize et Une Variations)… Chaque séquence constituée de 3 termes (ou occurrences) superposés subit l'intervention d'une double découpe de la même empreinte s'interpénétrant en épaisseur afin d'accéder au 3ème plan de superposition des 3 occurrences…

Par son ablation l'empreinte accède au visible dans le moment même où elle s'évanouit matériellement (absence/présence)… travaillée à l'intérieur, pluri-dimensionnellement, au terme de ses multiples mises en abyme superposées dans l'épaisseur des strates de l'œuvre. Subversion interne qui aboutit à une véritable dislocation engendrant sa fragmentation infinie… Quoique toujours présente virtuellement, la voici devenue, sous l'illisibilité de façade de ses innombrables avatars, méconnaissable. Susceptible cependant de ressusciter au cours du déchiffrage de chaque variation où elle se trouve contenue en puissance… La fonction traditionnelle du support se trouve subvertie, il se trouve transmué en un lieu multiple et fluctuant...

Certaines conceptions picturales restent toujours soumises à l'espace traditionnel : forme sur fond… Il faut donc s'affranchir du dualisme inhérent à ce système de référence soumis à l'ordre binaire et à des techniques bi-dimensionnelles de juxtaposition… L'émancipation de la binarité s'ouvre par une conscience de la nécessité d'élaborer une structure spatio-temporelle. C'est l'objet de mon projet global depuis 1960… Suprématie d'un tel dispositif opératoire comparé à tout traitement subjectif empirique réduit à ressasser la forme de base dans des techniques additives de juxtapositions qui interdisent toute mutation possible…

Ainsi serait rendue manifeste une réalité volontairement refoulée dans le domaine pictural et selon laquelle tous les artistes sans méthodes nous condamneraient, tôt ou tard, à mourir d'ennui… A.A. 1984